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samedi 26 mai 2012
Etat islamique de l'Azawad: De la stupéfaction au questionnement
Quoi penser ce soir ?
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Après l'annonce de
l'accord entre le MNLA et Ansar Edine aucun observateur sérieux ne
peut s'empêcher de tourner les questions dans tous les sens à la
hauteur de la complexité des dossiers saharien et de l'Azawad en particulier.
Les tirs de joie à
Tombouctou Gao et Kidal des deux protagonistes à l'annonce de cette
signature notent bien la satisfaction des azawadiens d'avoir écarté
le risque imminent d'affrontement entre les deux parties après que
l'objectif de libération de ce territoire soit acquis par rapport à
la présence de l'armée et de l'administration maliennes.
Le mur de la destination
était si haut pour le MNLA qui n'avait jamais prévu la complexité
de l'affaire de l'indépendance de l'azawad mais les faits l'ont
obligé à s'y adosser quelques temps dans l'espoir d'une
reconnaissance et d'un soutien internationale qui a tardé à venir.
Les calculs sur la
constitution d'une force militaire capable de chasser AQMI dans la
zone après avoir chassé le Mali ont été partiellement faux. La
communauté internationale avec en premier rang la France les Etats
Unis et dans une moindre mesure les pays de la sous-région s'est
raidie à l'idée de valider une partition de la république du Mali
malgré le fait accompli militaire laissant la force économique des
partisans d'un état islamique prendre le poids dans l'échiquier
grâce à la capacité financière d'entretien d'une armée.
Pendant que les
territoires conquis restaient ouverts à Ansar Edine à AQMI qui y
circulaient en toute liberté, les azawadiens s'étonnaient qu'une
telle proximité ne puisse apporter qu'autre chose qu'un système
liberticide croyant que la pratique islamique séculaire étaient
suffisante pour se prémunir d'une revendication « islamisatrice »
qui puisse leur être applicable.
La realpolitique ayant
ses raisons que la raison ne connaît point le triste constat fût
qu'il est difficile pour le MNLA d'entretenir une armée de 5 à 6000
hommes sans tomber ni dans les enlèvements, ni dans les trafics
illicites ni dans la pillages du peuple qu'ils étaient censés
libérer, en attendant une reconnaissance incertaine d'un état
quelconque, le scénario d'un retour à un Etat Malien étant
définitivement exclu par l'Etat Major et les officiers du MNLA.
Ansar Edine leur offrit
non sans difficultés une proposition de fusion et un budget avec en
échange l'acceptation d'un Etat Islamique appliquant la charia.
C'est la seule proposition obtenue après tant de missions
d'explication du combat indépendantiste dans le monde entier, les
liens de fraternité entre membres et la volonté de ne pas
transformer l'azawad en un champ de bataille entre ses fils ayant
fait le reste.
Pour les observateurs que
nous sommes, il est difficile de ne pas penser une seconde à la
possibilité d'un accord de circonstance dont la portée peut être
lue sous plusieurs angles différents :
- Les deux parties sont sincères et dans ce cas pourraient réellement constituer un rempart solide et efficace contre le danger terroriste en mettant en commun les atouts de chacune pour solidifier la maîtrise territoriale et rebâtir un Etat certes islamique à l'exemple de la Mauritanie qui préserve une certaine forme de liberté intrinsèque à la culture et à l'identité locale.
- L'accord en question est une manière de remettre à plus tard une guerre fratricide mais la fusion des troupes fait prendre le risque à l'une des parties d'absorber l'autre dans le cadre de ses objectifs initiaux.
- L'internationale islamiste détient un pouvoir encore plus fort que les deux entités réunies et utilise ses liens avec Ansar Edine pour infiltrer encore plus son idéologie et dans ce cas les frontières de l'Azawad telles que définies par les indépendantistes ne seront qu'hypothétiques devant l'ambition sous-régionale voire africaine de Al Quaeda.
Dans tous les cas, bien
malin qui pourra dire si tôt lequel de ses scénarios est le plus
probable.
Il est évident que ceux
qui craindront le dernier sans prendre en considération les deux
premiers pourraient dès demain commencer à travailler dans le sens
d'une médiatisation à outrance soit par conviction soit par lâcheté
ou soit par intérêt.
Il est peut être plus
que temps d'associer le peuple azawadien qui n'a toujours pas choisi
et qui observe, au déroulement des choix quelques fois cornéliens
qui lui sont dictés et cela depuis 50 ans.
Issane ANSAR
mercredi 2 mai 2012
Géopolitique/ Course de vitesse dans l'Azawad
Le printemps arabe de 2011 a débouché sur un « hiver islamique ». En
sera-t-il de même du « printemps saharien » de 2012 ? Le 1er avril, les
rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA)
se sont emparés des deux grandes villes de la boucle septentrionale du
Niger : Gao, à l’est, l’ancienne capitale de l’empire songhaï ; et
Tombouctou, à l’ouest, l’ancienne « ville sainte » de l’islam saharien.
Mais une autre force est apparue presque aussitôt dans leur sillage :
Ansar Dine (« Les Partisans de la Religion »).
Les deux
organisations n’ont pas le même drapeau : le MNLA arbore une bannière
vert-rouge-noir, avec un triangle jaune en chevron ; Ansar Dine,
l’étendard noir des islamistes. Elles n’ont pas les mêmes buts : le MNLA
veut créer un Etat-nation dans l’Azawad (« Le Pays des Pâturages »),
c’est à dire le nord du Mali actuel, à peuplement touareg, mais ne
revendique pas le reste du pays, centré sur Bamako ; alors qu’Ansar Dine
parle d’une « république islamique », qui pourrait s’étendre à la fois
sur le Sahara et le Sahel. Et si le MNLA affiche des idéaux
démocratiques et laïques, ses rivaux veulent instaurer immédiatement la
Chariah.
Les deux groupes ont pourtant combattu l’armée
malienne ensemble, et semblent s’être réparti le contrôle des «
territoires libérés ». C’est le MNLA qui pris Tombouctou : mais trois
jours plus tard, la ville était quadrillée par les islamistes. Cette
guerre, il est vrai, constitue une revanche historique pour l’ensemble
des Touaregs. L’Azawad, territoire plus grand que la France (entre 600
000 et 800 000 kilomètres carrés, selon les définitions), où nomadise
une population éparse mais ethniquement homogène (1,5 million
d’habitants, dont 85 % de Touaregs berbères) n’a jamais accepté son
incorporation au Mali, l’ancien Soudan français, dominé par les
populations nigéro-congolaises.
Une première rébellion avait
éclaté en 1958, quand les Français préparaient le pays à l’indépendance.
Une seconde, en 1963, trois ans seulement après cette indépendance,
avait été réprimée dans le sang. Une troisième, au début des années
1990, avait eu plus de succès : les autorités maliennes avaient accepté,
lors des accords dits de Tamanrasset, en 1991, de retirer leurs troupes
de la région, et donc de concéder à la population locale une autonomie
de fait.
La rébellion actuelle a eu pour cause immédiate la
chute du régime kadhafiste : des Touaregs maliens qui servaient le
dictateur ont pu piller au profit du MNLA, alors qu’ils se repliaient
sur l’Azawad, d’importants matériels militaires. Mais elle a deux causes
plus profondes : le jeu de l’Algérie ; et un contexte général de «
liquéfaction » des structures issues de la décolonisation.
Les
Etats arabo-musulmans d’Afrique du Nord ont tous tenté, depuis les
années 1960, de s’emparer du Sahara, région sous-peuplée mais dotée
d’immenses richesses minérales : pétrole, gaz naturel, uranium, or,
bauxite, phosphates. Le Maroc a d’abord revendiqué la Mauritanie, avant
d’annexer l’ancien Rio de Oro espagnol (le Sahara Occidental). La Libye a
tenté de s’implanter au Tchad ou au Niger. Mais l’Algérie, déjà
maîtresse de la moitié nord du Sahara, a cherché à imposer sa tutelle à
l’ensemble des pays sud-sahariens : du Sahara Occidental, qu’elle
dispute encore aujourd’hui au Maroc, jusqu’au Niger. Sans la France,
ex-puissance coloniale qui a constamment assuré un contrepoids, elle y
serait sans doute largement parvenue.
Alger a longtemps
justifié ses ingérences par la lutte contre « l’insécurité », le trafic
de drogue et l’islamisme. Mais il est avéré que ses services
soutiennent, depuis plusieurs années au moins, Al Qaida au Maghreb
islamique (AQMI), un groupe islamiste armé qui opère dans tout l’espace
saharien (Il a notamment procédé à la capture d’humanitaires ou de
scientifiques européens - dont plusieurs Français - en Mauritanie et au
Mali.)
Cette OPA sur l’islamisme – une forme de stratégie
indirecte – modifie le rapport de forces dans la région. La France
pouvait naguère contrecarrer les ingérences algériennes directes avec
des moyens relativement restreints : pressions diplomatiques,
déploiement militaire léger. Aujourd’hui, la diplomatie n’est plus de
mise. Un Français installé à Bamako explique : « Quand les gouvernements
sahéliens, appuyés par le Quai d’Orsay, leur demandent de les aider à
combattre les islamistes, les Algériens répondent toujours
favorablement. A condition qu’on passe par leurs conditions. Sinon, fin
de non recevoir. » Militairement, la situation s’est « complexifiée »,
selon le même observateur : « L’islamisme est un adversaire sans visage,
difficile à localiser, susceptible de recourir au terrorisme tant en
Afrique qu’en France même. L’affronter coûte cher. Financièrement et
politiquement. »
L’alliance entre l’Algérie et AQMI suscite un
malaise grandissant chez les nationalistes touaregs. Et conduit le MNLA
à solliciter l’appui de la France : « Pour nous, c’est Alger l’ennemi
principal. Pas Bamako ». De fait, Hervé de Raincourt, le ministre
français de la Coopération, n’a cessé d’appeler, depuis plusieurs
semaines, à un dialogue entre les autorités maliennes et le MNLA. En
distinguant soigneusement cette organisation (« qui n’a pas de lien avec
AQMI ») d’Ansar Dine, qui a contrario en aurait.
Pour
l’instant, le MNLA ménage Ansar Dine en tant qu’organisation touarègue
authentique. Son chef actuel, Iyad Ag Gheli, avait été l’un des chefs de
la révolte de 1990-1991. Sa tribu, les Iforas, est l’une des puissante
de l’Azawad. Et c’est sur son territoire que se situe Kidal, la
capitale. Alors que l’AQMI est perçue comme une organisation totalement
étrangère. Mossa Ag Attaher, le porte-parole du MNLA, explique à Valeurs
Actuelles : « Le noyau originel d’AQMI, c’étaient des membres du Groupe
salafiste pour la prédication (GSP), un mouvement islamiste algérien, à
qui le gouvernement malien avait donné asile. Ils ont finalement fait
allégeance au pouvoir algérien. Et se sont étoffés avec des renforts
arabes, burkinabés, nigérians, mauritaniens. Nous ne tolérerons pas
cette intrusion. »
Tout au long du mois de mars, le MNLA a
multiplié ses menaces envers AQMI – et ses mises en garde à Ansar Dine.
Va-t-on vers des affrontements entre Touaregs et « Arabes » ? Ou même
une guerre civile entre Touaregs ? Mais inversement, si le MNLA
l’emporte, pourra-t-il éviter d’intervenir en-dehors de l’Azawad ?
De tous les peuples de l’Afrique occidentale, les Touaregs ont été les
derniers à se soumettre aux Français, en 1902 seulement. Jusque là, ils
disposaient d’un quasi-Etat indépendant : une confédération de tribus,
dirigée par un roi élu, l’Amenokal. Aujourd’hui, on compterait de 6 à 10
millions de Touaregs dans l’ensemble des pays sahariens et sahéliens.
Avec les autres ethnies berbères de la région, notamment les Maures de
Mauritanie, du Sahara Occidental et du Sénégal, ils formeraient une
nation d’une quinzaine de millions d’âmes. Pourquoi n’auraient-ils pas
droit à un autodétermination collective, qui leur donnerait,
accessoirement, pleine souveraineté sur leur fabuleux sous-sol ?
Pendant un demi-siècle, le principe de l’ « intangibilité des
frontières issues de la décolonisation » s’opposait, dans le Sahara
comme dans le reste de l’Afrique, à une telle évolution. Mais il revêt
aujourd’hui moins de force que par le passé. En 2011, le Soudan du Sud,
noir et non-musulman, s’est séparé du Soudan, arabisé et islamique. La
Libye postkadhafiste semble suivre le même chemin : ses trois régions
traditionnelles (Cyrénaïque, Tripolitaine, Fezzan) se sont déclarées
autonomes, et il pourrait en aller de même du Nfoussa, le pays berbère
situé à l’ouest de Tripoli. La Kabylie est entrée dans une sorte de «
sécession douce » face à l’Algérie : un « gouvernement provisoire kabyle
», l’Anavad, a même été constitué, sous la direction du barde national
Ferhat Méhenni.
Le MNLA ne cache pas ses liens avec l’Anavad,
dont il a repris l’idéologie identitaire laïque. Et il a participé au
Congrès mondial amazigh, qui réunissait la plupart des mouvements
nationalistes berbères à Rabat, le 12 mars.
(c) Michel Gurfinkiel & Valeurs Actuelles, 2012
http://www.michelgurfinkiel.com/articles/416-Geopolitique-Course-de-vitesse-dans-lAzawad.html
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